Joseph BODIN de BOISMORTIER

(1689-1755)

Six concertos pour cinq flûtes sans basse, Op. 15

Sonate pour trois flûtes Op. 7 n° 4

Concerto pour deux flûtes sans basse Op. 38 n° 2

Suite pour flûte seule Op. 35 n° 5

"Le goût Italien et le goût François, ont partagé depuis longtems (en France) la République de la Musique ; à mon égard, j'ay toujours estimé les choses qui le méritoient; sans acception d'auteurs, ny de Nation".

François COUPERIN Préface de l'édition des Goûts-réunis ou Nouveaux Concerts ... "Paris, 1724

C'est en 1727 que parait à Paris la "XVe oeuvre" de Joseph Bodin de Boismortier ,contenant "VI Concertos / pour cinq Flûtes Traversières / ou autres instrumens (sic), sans basse". Outre l'intérêt que peut susciter une telle formation instrumentale - ce sont d' ailleurs les seules pages de ce genre de toute l'histoire de la musique - ce recueil mérite une attention toute particulière car il s'agit là des tout premiers concertos à voir le jour sous la plume d'un compositeur français. Le fait est d'importance à plus d'un titre et confère même directement à cette musique une bonne part de sa saveur.

En effet, depuis le début du siècle, l'opposition des styles italien et français était présente à tous les esprits. On désirait privilégier en France le bon goût naturel et une exécution tendre et noble mais les brillantes sonates en trio de Corelli en impressionnaient plus d'un. François Couperin, en 1724, tente pourtant une impossible réconciliation sous un titre génial : les Goûts Réunis... Cette même année, Boismortier, qui venait d'arriver à Paris, fait publier ses premières oeuvres. Il ne possède pas le même génie que Couperin, mais va pourtant réussir trois ans plus tard un véritable tour de force : allier l'instrument par excellence du goût français qu'était la flûte avec le genre italien du concerto, probablement la forme la plus éloignée des conceptions musicales françaises, réticentes aux grands effets ou à une expression par trop passionnée.

Et cette dernière phrase est juste. Par divers aspects, Boismortier peut être comparé à Telemann. S'il a la plume facile, il n'en est pas moins inventif. il est capable de l'expression la plus délicate comme de la brillance la plus élégante, et surtout, il se montre étonnamment novateur. Il est l'initiateur de l'opéra-comique Don Quichotte chez la Duchesse, on lui doit les premières sonates pour flûte et clavecin obligé (Op. 91, 1742), et, comme nous l'avons dit plus haut, il offre bien entendu ces premiers concertos français de l'Op. 15. D'autres suivront : ses Op. 21, 24 et 30 renferment chacun six concertos pour les flûtes traversières, violons ou hautbois avec la basse. Op. 28 en contient deux, et l'Op. 37, quant à lui, propose cinq trios et un concerto à cinq pour flûte, violon, hautbois, basson et basse continue. Cette page, publiée en 1732, représente après les concertos à quatre parties de Corrette, la véritable apparition en France du concerto da camera sur le modèle de Vivaldi le plus élaboré.

 
 

Les éléments biographiques qui nous sont parvenus sur ce compositeur restent assez minces. On sait qu'il naquit à Thionville le 23 décembre 1689, puis qu'il séjourna à Metz de 1700 jusqu'à environ 1715. Il partit ensuite pour Perpignan et s'y maria en 1720, puis monta à Paris en 1724, ou peut-être même un peu avant. Il mourut à Roissy-en-Brie, dans sa propriété de la Gastinellerie, le 28 octobre 1755. Son catalogue, exceptionnellement vaste, recouvre tous les genres. On y relève trois Opéras-Ballets, des cantates, des motets, mais c'est surtout en matière de musique instrurnentale que Boismortier s'est montré le plus prolifique. En effet, de 1724 à 1747, il fait paraître plus de 100 numéros d'Opus, dans les genres les plus variés. Suites et Sérénades alternent avec sonates et concertos, dans des formations allant de un à cinq instruments, côtoyant également de nombreuses pages à l'aspect pastoral si typique de l'époque et aux titres aussi savoureux qu'évocateurs : Gentillesses, Divertissement de campagne, Ballet de village en trio, Nuits Saltimbanques... Dans cette somme imposante - en grande partie destinée aux amateurs et qui dut assurer à son auteur une large sécurité financière - la flûte traversière se taille la part du lion, même si l'empirisme instrumental habituel reste souvent de mise et si bon nombre de recueils conviennent à tous instrumens (sic). Plus tard, Laborde(l) se montrera sévère : Ce compositeur parut dans un temps où l'on aimait que la musique simple et aisée.

 
 
 

Ce musicien adroit ne profita que trop de ce goût à la mode, et fit, pour la multitude, des airs et des duos sans nombre qu'on exécutait sur les flûtes, les violons, les hautbois, les musettes, les vielles, etc. Cela eut un très grand débit, mais malheureusement, il prodigua trop de ces badinages harmoniques, dont quelques uns pourtant étaient semés de saillies agréables. Il tempère malgré tout son jugement par la suite en précisant que Quelqu'un qui voudrait se donner la peine de fouiller dans cette mine abandonnée pourrait y trouver assez de paillettes pour former un lingot.